Au fil de l’évolution des technologies numériques, les ESN ont développé différents modèles de prestations pour répondre aux attentes de leurs clients. On en recense principalement trois : la régie pour mettre à disposition des compétences, le forfait pour réaliser des projets complets et les centres de services pour fournir des ressources systèmes et/ou applicatives avec un accompagnement approprié.
Selon le modèle utilisé, les ESN engagent des moyens différents et facturent sur des bases bien distinctes. Cet article revient sur les enjeux financiers spécifiques à chacun des types de prestations pratiquées par les ESN : en régie, au forfait, ou via un centre de services.
Régie : la marge à la journée
Le fonctionnement en régie est le plus simple des business models des ESN. Il s’agit de mettre à disposition du personnel qualifié à la journée, sur un modèle comparable à l’intérim. Le client accède ainsi à des compétences qu’il ne possède pas ou qu’il ne souhaite pas internaliser, par exemple pour renforcer une équipe de développement ou déployer une nouvelle technologie.
La facturation se fait sur la base d’un prix de journée fixé selon la qualification du collaborateur placé en régie (et des prix pratiqués sur le marché). La marge brute générée par l’ESN est la différence entre le prix de vente et le coût de revient du salarié. Ce coût de revient correspond au salaire de la personne, auxquels s’ajoutent les coûts fixes de l’ESN (locaux, personnel administratifs et non facturables), le tout ramené au nombre de jours facturables (hors formation, congés, etc). Dans le cadre d’une régie, l’enjeu financier majeur pour une ESN réside donc dans la précision du calcul du coût de revient journalier de ses salariés.
Forfait : la maîtrise des risques en continu
Avec le fonctionnement au forfait, l’ESN s’engage sur le développement d’une application pour un montant fixe, selon des spécifications précises. Du point de vue du client, cela permet de passer en mode projet avec des coûts maîtrisés. L’organisation et la constitution des équipes restent du seul ressort de l’ESN, qui doit évaluer au mieux dès le départ les ressources nécessaires et donc, les coûts à engager.
L’organisation au forfait présente une opportunité de marge supérieure à la régie si le projet est livré dans les délais ou s’il nécessite moins de ressources que l’estimation initiale. Revers de la médaille : ces projets au forfait comportent aussi des risques liés à des dépassements : charges de travail sous-estimées au départ, besoin de profils plus experts que prévus (donc plus chers), etc.
Sur le plan financier, chaque projet au forfait doit être géré comme une affaire distincte avec son propre budget. Le suivi des temps passés par l’équipe doit être régulier et traduit en budget consommé en tenant compte des coûts de journée de chacun. Mais surtout, à chaque point d’étape, le temps “restant à passer” sur les différentes tâches doit être réévalué avec objectivité, afin de connaître les coûts restant à engager pour satisfaire l’engagement contractuel.
Les éventuelles dérives et l’impact sur la rentabilité du projet sont ainsi suivis en permanence. L’enjeu financier majeur des projets au forfait en ESN réside dans ce pilotage en continu de la marge, basé sur la qualité des informations remontées par les équipes et le chef de projet.
Centre de services : l’assemblage de coûts composites
Les centres de services sont apparus au tournant des années 2000 dans les ESN, avec l’externalisation des moyens de production informatiques. Ils servent à fournir des ressources systèmes ou des applicatives avec des prestations associées : hébergement cloud, infogérance, maintien en conditions opérationnelles, etc.
Contrairement à la régie et au forfait qui n’engagent que des ressources humaines, les centres de services mobilisent des infrastructures IT (datacenters), télécom et des licences logicielles. Autre différence : les collaborateurs du centre de services vont travailler pour plusieurs clients en parallèle.
Les contrats de centres de services sont, du coup, plus complexes que ceux des prestations en régie ou au forfait. Ce sont souvent des abonnements mensuels avec une facturation sur différentes bases : consommation de ressources, de licences logicielles, nombre d’utilisateurs, services associées (infogérance, support 24×7, sauvegardes). Dans certains cas des prestations à la demande peuvent s’y ajouter : montée de versions, développements spécifiques.
Pour mesurer la rentabilité de chaque contrat de service, l’ESN devra pouvoir agréger différents coûts : ceux des moyens matériels, logiciels et techniques engagés mais aussi le temps passé par les intervenants, mesuré avec précision, parfois à l’heure près avec des outils appropriés (gestion de tickets, tracking des temps).
Cette maîtrise des coûts composites reste un enjeu essentiel pour les centres de services. Et ce d’autant plus qu’ils offrent de réelles opportunités de marge aux ESN. Les prix peuvent en effet être basés sur la valeur fournie et non simplement sur un pourcentage de marge standard, comme en régie. La connaissance précise des coûts, d’un côté, et des tarifs de la concurrence, de l’autre, permettra de se placer au bon prix afin d’optimiser la rentabilité.
L’art de jongler entre les business models
Développer trois business models différents peut effrayer certaines ESN. Se positionner comme centre de services exige en effet une certaine capacité d’investissement impossible à envisager en dessous d’une taille critique.
Pourtant, combiner les différents modèles peut vraiment se révéler profitable. Cela permet d’avoir un éventail de réponses adaptées à différents besoins. Cela donne aussi la possibilité de limiter les intercontrats – la bête noire des ESN sur le plan financier : un salarié de retour d’une prestation en régie pourra être affecté au centre de services, le temps de repartir en mission, s’il a bien sûr les compétences requises.
La clé d’une telle organisation reposera in fine sur la capacité des outils de gestion d’affaires de l’ESN à s’adapter aux différents business models et à apporter une vision globale de la disponibilité des collaborateurs.